Résultats du prix du mémoire 2024 de Master 2 de l’AEGES

Le Jury du prix du mémoire de Master 2 de l’AEGES, présidé par la professeure Julie Saada, vient de rendre son verdict. Il a attribué le prix du meilleur mémoire à Gabriel Pourre, pour son mémoire intitulé « Resolve and Restraint. La politique de ciblage nucléaire des Etats-Unis face au droit des conflits armés ». Deux mentions spéciales ont été attribuées, à Hugo Caste, pour son mémoire sur « L’héritage nucléaire soviétique en Asie centrale », ainsi qu’à Alex Mailloux, pour son travail intitulé « Insubordination, criminalité et cohésion militaire. Le cas du 41e bataillon (canadien-français) du Corps expéditionnaire canadien, 1914-1916 ».

La remise des prix a eu lieu lors d’une cérémonie organisée à l’occasion du 7ème congrès de l’AEGES, à Aix-en-Provence, le 19 juin 2025.

Lauréat : Gabriel Pourre, « Resolve and Restraint. La politique de ciblage nucléaire des Etats-Unis face au droit des conflits armés »

Résumé du mémoire : Depuis 2013, le gouvernement des États-Unis s’est officiellement engagé à respecter le droit des conflits armés dans l’élaboration de ses plans de frappes nucléaires. Mais s’agit-il d’une ambition souhaitable lorsque les impératifs de la dissuasion s’opposent aux exigences de la loi ? À partir d’une démarche compréhensive, cette enquête de théorie politique internationale se propose d’explorer ce dilemme fondamental au cœur des antinomies de l’action diplomatico-stratégique. Héritière d’une réflexion doctrinale enracinée dans la Guerre froide, la judiciarisation des plans nucléaires est désormais facilitée par une « révolution de la précision » qui rend le ciblage nucléaire plus respectueux des critères de discrimination et de proportionnalité. Toutefois, cet effort n’est probablement pas achevé. Dans une société internationale toujours anarchique, l’objectif premier des plans nucléaires reste de garantir la liberté d’action des dirigeants américains avec des options de frappes, si nécessaire, massives. Une juste stratégie nucléaire devrait dès lors veiller à ce que les options compatibles avec le droit des conflits armées soient privilégiées en cas d’escalade. Un tel engagement pourrait se traduire par l’adoption d’une politique flexible de non-usage en premier qui verrait les États-Unis utiliser en premier l’arme nucléaire, uniquement pour des frappes strictement conformes au droit de la guerre. Face au pouvoir destructeur de l’atome, il s’agirait là d’un effort notable pour garantir la survie du plus grand nombre.

Diplômé du master de recherche en science politique, spécialité « relations internationales », de Sciences Po, Gabriel Pourre est doctorant au CERI avec le soutien de la DGRIS du ministère des Armées. Sa thèse, dirigée par Ariel Colonomos, traite de la stratégie nucléaire américaine et de son encadrement par le droit des conflits armés. Appliquant une démarche de théorie politique internationale mêlant considérations éthiques et empiriques, il réfléchit à la formulation des lois de la guerre en vue d’un juste emploi de l’arme nucléaire par les États-Unis. Ce travail le conduit aussi à interroger la façon dont la planification nucléaire dialogue avec les autres aspects de la stratégie atomique (gestion de l’escalade, dissuasion, maîtrise des armements). Il s’intéresse également à l’histoire du débat moral sur les armes nucléaires dans l’Alliance atlantique. En parallèle de sa thèse, il enseigne au Collège universitaire de Sciences Po (Campus de Paris).

Mention spéciale : Hugo Caste, « L’héritage nucléaire soviétique en Asie centrale »

Résumé du mémoire : L’histoire nucléaire de l’Asie centrale est une fois séculaire, puisque l’uranium y était déjà extrait dans la première décennie du XXe siècle. Ce mémoire tente, d’une part, une première cartographie de la contribution de la région au complexe nucléaire civil et militaire soviétique, qui déborde largement les seules activités du polygone de tir de Semipalatinsk. Il interroge, d’autre part, le poids de cet héritage nucléaire après les indépendances, en particulier dans le cas du Kazakhstan et de son adhésion au traité de non-prolifération en tant qu’Etat non doté. Ce mémoire propose donc cet héritage comme clef de lecture de la trajectoire nucléaire contemporaine des Etats centrasiatiques, à la fois exemplaires en matière de dénucléarisation depuis le traité de Semipalatinsk de 2006, en dépit de voisins dotés (la Russie et la Chine), possesseur (le Pakistan) ou proliférant (l’Iran), mais cherchant également à affirmer leur place dans le paysage nucléaire civil. Il a été co-dirigé par Catherine Poujol (INALCO) et Emmanuelle Maitre (FRS).

Hugo CASTE vient de terminer sa scolarité à l’Ecole normale supérieure. Diplômé de relations internationales et d’affaires publiques, il s’est spécialisé dans les questions nucléaires et stratégiques. Il est notamment membre du Réseau nucléaire et stratégie (co-porté par l’IFRI et la FRS) et officier de réserve au sein du Centre d’études stratégiques aérospatiales.

Mention spéciale : Alex Mailloux, « Insubordination, criminalité et cohésion militaire. Le cas du 41e bataillon (canadien-français) du Corps expéditionnaire canadien, 1914-1916 »

Résumé du mémoire : Rares encore sont ceux au Québec qui connaissent le récit tragique du 41e bataillon, pourtant la deuxième unité d’infanterie canadienne-française du Corps expéditionnaire canadien à être autorisée pour le service outremer au cours de la Grande Guerre. Et pour cause: le 41e n’aura finalement jamais combattu. Composé d’un amalgame hétéroclite de francophones et de volontaires étrangers, le bataillon sera dissout sept mois après sa formation, succombant à une vague d’insubordination marquée par un nombre record d’infractions, des désertions par centaines, plusieurs délits de corruption, une épidémie d’ivrognerie et deux homicides. Jusqu’ici, la déroute prématurée du 41e bataillon a essentiellement été attribuée aux faiblesses de son commandement. Ce mémoire, qui se réclame de l’approche microhistorique, vise à compléter le tableau pour y inclure la perspective du simple soldat, en insistant sur les facteurs sociaux, culturels et circonstanciels l’ayant entraîné à désobéir en masse. Supporté par un corpus archivistique inédit, cet effort de réinterprétation trace ainsi les contours d’une microsociété hautement fragmentée, voire en « crise identitaire », illustrant par la même occasion le rôle central de la cohésion militaire pour le maintien de la discipline.  

Alex Mailloux a grandi et réside à Montréal, au Canada. Après des études de premier cycle en anthropologie et en histoire, il a complété sa maîtrise en histoire à l’Université de Montréal sous la direction du professeur Carl Bouchard, avec qui il a travaillé comme assistant de recherche et auxiliaire d’enseignement. Ses intérêts de recherche, centrés sur une lecture socio-culturelle de l’histoire militaire, concernent notamment les enjeux d’obéissance, d’autorité et de justice militaire dans le contexte de la Grande Guerre. Son mémoire « Insubordination, criminalité et cohésion militaire. Le cas du 41e bataillon (canadien-français) du Corps expéditionnaire canadien, 1914-1916 » a également remporté la mention spéciale du Prix d’histoire militaire 2024 de la Direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) du ministère des Armées, ainsi que le deuxième Prix d’Études sur la guerre et le fait militaire du Groupe de recherche en histoire de la guerre (GRHG). Alex Mailloux travaille actuellement au sein de la Faculté des arts et des sciences de son alma mater.