Projet scientifique

A bien des égards, le champ des études stratégiques s’est développé, autonomisé et professionnalisé à l’ombre de la dissuasion nucléaire. L’apparition de l’arme nucléaire a bouleversé nombre de certitudes, à commencer par l’organisation interne des Etats : légitimité d’un pouvoir politique capable d’employer le feu nucléaire ; défis techniques, organisationnels et juridiques posés à la capacité d’un Etat à protéger sa population ; capacité à générer de la puissance militaire, etc. L’impact n’a pas été moindre sur les stratégies de puissance étatiques, repensées suite à la révolution introduite par l’arme nucléaire et à ses conséquences en termes d’équilibre des puissances, de modalités de gestion des crises ou plus généralement de place de la force armée. A l’échelle mondiale, l’arme nucléaire a contribué à transformer les principes d’organisation de la sécurité collective à travers l’émergence d’un ordre nucléaire international, comprenant en particulier un régime de non-prolifération, des accords bilatéraux et multilatéraux de maîtrise des armements et de désarmement, mais aussi des crises à connotation nucléaire.

Ce groupe de travail a pour objectif d’animer en France une réflexion académique pluridisciplinaire sur les thématiques liées à l’arme nucléaire. Il structure ses activités autour d’au moins trois pôles thématiques, chacun de ces pôles devant permettre de croiser des approches disciplinaires et méthodologiques.

Le premier pôle est celui de l’Ordre nucléaire international, l’intérêt est d’étudier la mise en place, l’institutionnalisation, l’évolution et le contournement du régime de non-prolifération ; l’histoire des négociations et les mises en œuvre des accords de maîtrise des armements et de désarmement ; les normes de conduite et le « tabou nucléaire », les situations de crises nucléaires, etc.

Notre deuxième pôle est nommé Postures et doctrines. Il s’intéresse à la formalisation et à la transformation des postures de dissuasion nationales et de l’OTAN ; l’articulation des doctrines nucléaires avec les stratégies et les pensées stratégiques « conventionnelles »; les interactions réciproques entre évolution technologique, les grandes stratégies et manœuvres dissuasives, la place des armes nucléaires tactiques, etc.

Enfin, notre dernier pôle est consacré à l’Éthique de l’arme nucléaire au travers de l’histoire et la sociologie des débats éthiques sur les armes nucléaires, en France et à l’étranger ; l’étude des postures nucléaires passées et actuelles sous l’angle de la philosophie politique et morale, etc.

Au sein du groupe de travail « nucléaire militaire », les activités s’inscrivant dans une approche historique s’inspireront des travaux précurseurs menés par le Groupe d’étude français d’histoire de l’armement nucléaire (GREFHAN), de 1986 au milieu des années 1990. Le GREFHAN avait été créé en pleine crise des Euromissiles ; aujourd’hui, la « redécouverte » du facteur nucléaire en Europe souligne l’opportunité de disposer d’une enceinte de réflexion sur l’histoire du nucléaire militaire, et ce afin de remettre en perspective le débat actuel sur la dissuasion et sur l’ordre nucléaire international. Dans cette perspective, nous cherchons à établir des partenariats avec d’autres centres de recherche européens dans l’optique d’engager une réflexion élargie sur l’histoire des postures nucléaires à l’échelle de l’Europe, au travers de  thématiques  telles que la crise nucléaire de 1983, les programmes nucléaires militaires de la Suède et de la Suisse dans les années 1950/60, etc.

Activités du groupe

  • 26 Janvier, Première séance des Chantiers de recherche sur l’histoire de la dissuasion nucléaire

Présentation de Benoît GREMARE « L’arme nucléaire française dans l’histoire du droit public ».

Séminaire « Histoire de la dissuasion nucléaire » sur plusieurs mois, École Normale Supérieure de Paris (ENS – Ulm), Centre interdisciplinaire d’études sur le nucléaire et la stratégie (CIENS)

  • 29 Avril, « Pourquoi et comment écrit-on l’histoire du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) ? »

Présentation de Renaud MELTZ, historien, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Haute-Alsace, directeur du Centre de recherche sur les économies, les sociétés, les arts et les techniques (CRESAT)

  • 27 Mai, Rencontre avec un Grand Témoin

Amiral François DUPONT, auteur de « Commandant de sous-marins – Du Terrible au Triomphant – La vie secrète des sous-marins », éd. Autrement, 2019

  • 25 Mars, « Dissuasion nucléaire française et Constitution de la Cinquième République – mise en
    perspective historique »

Présentation de Benoît GREMARE, juriste, doctorant en droit public à l’Université de Lorraine

  • 26 Février, « L’urbanisme soviétique face à la menace nucléaire dans les années 1950 »

Présentation d’Éric LE BOURHIS, historien, maître de conférence de letton à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO)

Organisation à l’ENS-Ulm du Séminaire de recherche « Chantiers d’histoire de la dissuasion nucléaire » sur plusieurs mois (CIENS).

  • 5 juin, « De la fin des essais nucléaires français au programme Simulation »

Intervenants : Dominique Mongin, auteur de Dissuasion et Simulation : de la fin des essais nucléaires français au programme Simulation, Paris : éd. Odile Jacob, 2018. Il a publié plusieurs ouvrages et articles sur les origines et l’évolution du programme nucléaire de défense français.

  • 15 Mai, « Histoire de la coopération entre la Grande-Bretagne et la France dans le domaine du nucléaire de défense »

Intervenant : Richard Moore, historien de l’Atomic Weapons Establishment (AWE), le laboratoire chargé de la conception et de la fabrication des armes nucléaires britanniques, et membre associé du Centre d’Études de Science et Sécurité (CSSS) au King’s College London.

  • 27 Mars, « La posture nucléaire de la France vis-à-vis de la RFA durant les années 1980 »

Intervenant : Frédéric Bozo, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, Institut d’études européennes. Ses travaux sont consacrés tout particulièrement à l’étude des relations transatlantiques, de la politique étrangère de la France pendant et après la Guerre froide, et des relations franco-allemandes.

  • 13 Février, « Les puissances européennes et la dissuasion nucléaire : Allemagne, France, Royaume-Uni »

Thématique : « Le containment et les limites de la Westbindung : la question nucléaire allemande durant la Seconde Crise de Berlin (1958-1963) »   

Intervenant : Andreas Lutsch, chercheur en histoire contemporaine à l’Université de Würzburg, Institut d’histoire contemporaine. Ses recherches portent sur les relations transatlantiques, les questions nucléaires, et l’approche allemande des questions de dissuasion nucléaire durant la guerre froide.

  • 5-6 Décembre, participation au colloque de l’AEGES « Gagner la guerre, Gagner la paix ? » à Lille

Panel 4 : « La paix nucléaire », Président : Dominique Mongin (ENS-Ulm)

Benoît Grémare (Université de Lorraine), « Essais nucléaires et gestion des crises dans l’Histoire, quelles corrélations ? », Ilaria Parisi (ENS-Ulm), « La paix par le désarmement, le cas du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI)», Océane Tranchez (Université de Lyon III), « La fin des essais et la paix nucléaire : l’approche française », Tiphaine de Champchesnel (IRSEM), « Le traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) et la paix »

  • Séminaire sur la dissuasion tout au long de l’année

La principale activité du groupe de travail au cours de l’année 2017 a été l’animation d’un séminaire sur l’histoire de la dissuasion nucléaire à l’Ecole Normale Supérieure. Co-dirigé par Dominique Mongin, co-responsable du groupe, le séminaire 2017-2018 s’articule autour d’une dizaine de séances de cours au premier semestre et de 4 ateliers de recherche au second.

  • 13-14 Décembre, colloque de l’AEGES « Le soldat et le citoyen »

Le groupe de travail nucléaire a  organisé un panel lors du colloque  organisé à l’université de Paris 1, sur le thème « La dissuasion élargie est-elle en crise ? Perspectives historiques et contemporaines ».

L’ambition du panel était triple : combiner les perspectives de politistes et d’historiens autour d’une même problématique ; combiner des perspectives françaises et étrangères ; faire intervenir des membres du Réseau Nucléaire et Stratégie – nouvelle génération.

Intervenants : Frédéric Gloriant, (Université Paris 3 et ENS-Ulm), « Brève histoire de la dissuasion élargie américaine envers l’Europe de 1945 à nos jours », Christine Leah (Centre for International Strategic Studies (CISS) Islamabad), « U.S. Extended Nuclear Deterrence in Asia : an Australian Perspective », Andreas Lutsch (Université de Wurtzbourg), « U.S. extended nuclear deterrence, strategic stability in Europe and the notion of change », Dominique Mongin (INALCO et ENS-Ulm), « La notion de dissuasion élargie vue du côté français »

La venue d’Andreas Lutsch a été rendue possible grâce à la prise en charge par l’AEGES des frais de déplacements de l’intervenant.

Responsables du groupe de travail

Corentin Brustlein et Dominique Mongin