Colloque annuel de l’AEGES 2018 – Appel à Communications

Colloque annuel de l’AEGES, Lille, 5 – 6 décembre 2018

Appel à communications. Date limite : 5 septembre

contact: colloqueaeges2018@gmail.com

Télécharger la version PDF: Programme colloque annuel Lille 2018.

L’année 2018, qui voit la commémoration de la fin de la Première guerre mondiale, est marquée par plusieurs crises et tensions : gesticulations nucléaires, regain des nationalismes, défis lancés au droit international. Cependant certains auteurs estiment que nous vivons actuellement l’une des périodes les plus pacifiques de l’histoire (S. Pinker ; A. Gat ; JJ. Roche ; J. Horgan). La France contemporaine est en paix depuis la fin de la guerre d’Algérie, mais le narratif politique de la guerre s’est imposé depuis 2015 à la suite des attentats terroristes perpétrés sur le territoire national. Comment penser cette situation paradoxale ? De nombreux travaux universitaires analysent l’évolution de la conflictualité, moins nombreux en revanche sont ceux qui s’attachent à penser cette contradiction, qui nous invite à recenser et réfléchir aux facteurs de paix.

Les moyens de mesurer la guerre et la violence organisée sont nombreux. Certains recensent le nombre total de conflits de différents types (PRIO, UCDP, COW, etc.), les dépenses militaires (SIPRI), le risque de perdre la vie dans des violences politiques organisées, etc. À l’inverse, il n’existe pas beaucoup d’outils de mesure de la paix (à l’exception du Everyday Peace Indicators Project et du Kroc Institute’s Peace Accords Matrix). Les recherches concernant la paix ont ainsi davantage consisté en des travaux sur la violence que sur la paix elle-même… Cette dernière constituerait-elle pour les chercheurs un « non-évènement » (J. Mueller), au sens où elle n’est pas quantifiable ?

Alors que Platon estimait que les hommes font la guerre afin d’obtenir la paix, l’idée d’obtenir la paix, en passant par la guerre, persiste de nos jours, ce qui tend à souligner un lien direct entre la guerre et la paix. Ces dernières sont constitutives l’une de l’autre, dans leur mobilisation économique, sociologique, idéologique, technologique et politique. Terme polysémique, la paix a longtemps été définie négativement comme la simple absence de guerre (J. Galtung), de violences armées entre unités politiques, ou comme le moment où les « armes se taisent » (R. Aron). L’école réaliste en Relations internationales n’y verrait ainsi qu’une sorte de trêve entre deux guerres, autorisée par l’équilibre des puissances (H. Morgenthau) ou l’hégémonie unipolaire (R. Gilpin). Ces définitions sont sans doute trop vastes et vagues. Les relations internationales ne sont pas exclusivement des rapports de force. Pour les chercheurs en Peace studies, la violence n’est pas naturelle, elle est construite et manipulée, et de ce fait elle peut être éliminée (CP. David). La paix serait atteinte par l’établissement de l’harmonie. Elle serait donc une « tranquillité de l’ordre » intérieur et social et synonyme pour ainsi dire de concorde et de justice (saint Augustin). Il s’agit ainsi de désamorcer les risques de développement de situations conflictuelles et tout facteur de conflit afin de privilégier la coopération et la justice, dans la tradition du libéralisme en Relations internationales. L’épanouissement de cette paix sociale s’exprimerait alors et de ce fait dans les démocraties. Cette hypothèse, que certains font remonter à Kant (Projet de paix perpétuelle, 1795), reprise par Tocqueville (De la démocratie en Amérique, 1835), et défendue par Wilson (« un concert de paix inébranlable ne peut être atteint que par un partenariat de nations démocratiques ») fut ensuite approfondie par de nombreux internationalistes libéraux contemporains (A. Moravscik, M. Doyle, B. Russett).

Délaissése en France depuis de nombreuses années, les études sur la paix constituent pourtant non seulement un champ de réflexion fondamental pour les sciences sociales mais aussi une pensée stratégique au sens propre. Tout penseur de la stratégie en effet se doit d’incorporer cette dimension à sa réflexion. Inversement, les recherches sur la paix et la résolution des conflits requièrent une connaissance des facteurs de conflit. L’AEGES a donc choisi de consacrer son colloque annuel à l’étude de la paix. Il s’agit d’identifier les principales menaces à la paix et les manières d’y répondre.

Les réponses à cette question ont changé au cours du temps. Pendant la Guerre Froide, le spectre de l’annihilation nucléaire a profondément structuré la perception des menaces et les politiques menées par les deux blocs. À l’issue de cette période « bipolaire », un narratif politique, rapidement devenu hégémonique, s’est construit pour qualifier le demi-siècle après la seconde guerre mondiale comme une « paix longue ». Ce discours a ainsi fait des « États faillis » et de l’internationalisation des guerres civiles le danger majeur pour l’ordre international en cette fin de siècle, créant un véritable programme de lecture des relations internationales. La menace ne proviendrait plus de la force des États mais de leur défaillance. Aujourd’hui, la force des États et leurs capacités militaires semblent redevenir une menace à laquelle peuvent être associés le « terrorisme international », d’un côté, et les nouvelles technologies, de l’autre.

Mais au-delà de ces menaces sécuritaires classiques, il est important de noter que d’autres phénomènes ont pu émerger. Les migrations, le changement climatique, les pandémies figurent parmi les éléments qui peu à peu sont devenus de véritables menaces à la paix. Le colloque de l’AEGES souhaite alors confronter les différentes perspectives et données sur les menaces à la paix et définir ainsi les stratégies pour contenir ces menaces.

La résurgence de la violence (F. Gros), ou la non-appropriation locale des outils de paix, nous invite également à penser les biais conceptuels et les limites des approches occidentales de la paix. Le colloque permettra d’explorer les implications théoriques, sociologiques, historiques, politiques et pratiques de ces biais.

Au cours de ces dernières années, les chercheurs du champ ont beaucoup écrit sur la façon dont s’est consolidée la paix internationale, ainsi que sur les hypothèses qui sous-tendent la pratique de cette consolidation. Cependant, peu de réflexions ont porté sur l’évaluation des situations post-conflictuelles avec des approches non occidentales et adaptées au contexte politique, historique et social des sociétés concernées. Nous invitons donc les participants à discuter l’approche dominante de la paix, de la réconciliation, pouvant s’exprimer dans les études de la paix.

Les contributions pourront également explorer les problématiques suivantes :

La paix est-elle conditionnée à la construction d’une « paix juste », à l’échelle globale (Bobbio) ? L’« obsolescence » de la guerre (J. Mueller) ouvre-t-elle une nouvelle ère de paix ? La guerre est-elle une expérience nécessaire à la réalisation de la paix ? Quelles « surprises techniques » (R. Aron) pourraient rompre l’état de paix ? L’interdépendance économique et le commerce ouvrent-ils un monde de paix dans lequel la guerre serait dépassée ? Sommes-nous, comme à la veille de 1914, dans un procédé narratif affirmant que les guerres majeures ne peuvent plus avoir lieu parce qu’elles seraient alors irrationnelles, et le monde, devenu trop « interdépendant » ? La guerre interétatique entre voisins occidentaux est révolue, on peut le penser et vouloir le croire, mais la « désoccidentalisation » du monde et l’émergence de puissances régionales en charge du seul maintien de l’ordre régional dans une forme de « paix par la force », peut-elle efficacement fonctionner ?

Proposition de panels

Définir et représenter la paix : Comment instituer l’état de paix ?

  • Typologie de la paix
  • Valeurs de la paix
  • Les perspectives non occidentales – ou mondiales – de la paix sont peu étudiées. Les participants peuvent explorer d’autres conceptualisations de la paix dans diverses régions du monde.
  • La paix dans la pop culture. La culture populaire (télévision, séries, films, littérature, bandes dessinées, jeux vidéo, etc.) peut-elle être une source pour appréhender ce qu’est la paix ? Quels discours et pratiques de la paix sont-ils représentés dans la culture populaire ?
  • Histoire conceptuelle de la paix

Les géographies de la paix

  • Peut-on maintenir une paix occidentale protégée par des murs contre les réfugiés, les migrants ; compter sur une politique de retrait, d’absence d’interventions et de non-implication ?
  • Le changement climatique redéfinit-il des zones de paix et de guerre ?

Les armes de la paix

Ce panel cherche à faire émerger les pratiques innovantes de construction de la paix.

  • La paix par la diplomatie : Prévention ; Négociation ; Médiation ; Réconciliation (Afrique du Sud, Rwanda, Colombie). Les communications de ce panel peuvent explorer les meilleures pratiques (ou les plus) innovantes, issues d’analyses empiriques. Elles peuvent également discuter de la préparation des négociations entre les différents acteurs d’un conflit (combattants, forces armées, police, diplomates, activistes…).
  • La paix par le droit : développement des organisations internationales, juridicisation et judiciarisation des conflits (affirmation du jus ad bellum, du jus in bello de la justice pénale internationale) ; l’action de l’Union européenne et de ses États membres
  • La paix par les armes : Résolution des conflits ; Maintien de la paix. Comment une intervention extérieure peut-elle être « pacifiante » ? Les limites et les échecs de la prévention et de la résolution des conflits : comment élaborer de nouvelles stratégies ? La « paix nucléaire » : le nucléaire accentue-t-il l’état de nature et l’état de guerre, ou participe-t-il de la pacification des relations internationales, en freinant l’usage de la force ? La prolifération est-elle un danger pour la paix ?
  • La paix par la coopération : Sécurité collective (OTAN, UE, UA, etc.) ; Alliances ; Coopération locale et transfrontalière ; Diplomatie environnementale
  • La paix par l’intégration

Les acteurs de la paix

  • Implication de la société civile. Les réseaux sociaux peuvent-ils jouer un rôle actif (pour ou contre) dans les négociations de paix ?
  • Rôle des acteurs non étatiques (ONG, acteurs religieux, UE, etc.)
  • Rôle des femmes
  • Rôle des diplomates
  • Rôle et action des armées

Les causes de la paix

  • Interdépendance économique
  • Dimensions culturelles, anthropologiques et sciences cognitives
  • Théorie des RI
  • Approches philosophiques et éthiques
  • Communauté de sécurité. Dans la tradition fonctionnaliste, les intégrations régionales sont un moyen d’endiguer la violence.
  • Constructions de normes ou régimes juridiques (droits de l’homme, droit international humanitaire, droit international pénal)
  • Régimes politiques
  • Développement durable

Idées d’ateliers

  • Comment enseigner la paix ?
  • Discussions entre chercheurs, praticiens et organisations pacifistes.

Modalités

Les propositions (communications ou panel constitué) sous forme d’un titre, d’un résumé de 350 mots maximum, et d’une courte biographie, devront parvenir au plus tard le 5 septembre 2018 à l’adresse électronique suivante : colloqueaeges2018@gmail.com

Comité d’organisation et scientifique

Grey Anderson, Grégory Daho, Thibault Delamare, Julian Fernandez, Thomas Hippler, Jean Vincent Holeindre, Sonia Le Gouriellec, Valentina Volpe.

Calendrier

  • Date limite d’envoi des propositions de communication : 5 septembre 2018
  • Sélection de communications retenues : 30 septembre 2018
  • Date limite d’envoi des communications : 12 novembre 2018
  • Colloque : 5-6 décembre 2018